Je suis très peureuse, craintive. Ultra naïve. Je ne connais rien à la vie. Je ne connais que le monde du sexe et pas de la bonne façon. Les humains me font peur. Je découvre le monde. Je découvre la nourriture... Je suis au service de l'autre... J'ai peur de me voir dans un miroir, peur de ce que je ressens et que je ne comprends pas. J'ai du mal à dormir... Mais grâce à la veilleuse de William je ne dors plus dans le placard... Enfin j'y dors moins. Je déteste les marques que j'ai sur mon corps. Je ne m'aime pas. Je suis fragile, perdue. Je n'ai pas eu d'enfance, pas eu de vie alors parfois c'est vraiment dur pour moi. Je ne comprends pas le second degré. Je me suis attachée à deux hommes dont un... C'est bizarre... Je n'aime pas ne pas comprendre ce qui se passe en moi...


Je suis née en Russie d’une mère au foyer et d’un père ouvrier. Autant dire une famille très pauvre. Et manque de chance pour eux j’étais une fille… Mon père pariait parfois l’argent qu’il gagnait pour tenter de faire rentrer un peu plus d’argent à la maison, mais bien souvent il perdait… J’ai été en cours jusqu’à l’âge de 18 ans. J’ai étudié du mieux que j’ai pu, essayant de profiter en même temps de ma jeunesse même si ce n’était pas chose facile avec mon père. À l’école, j’ai connu mes premiers amours, j’ai rencontré mes meilleurs amis. J’étais une fille super joyeuse et heureuse de vivre, tout du moins en apparence. Car une fois de retour à la maison, je perdais mon sourire et m’enfermais dans ma chambre pour étudier afin de passer le moins de temps possible avec mon père. Il n’était pas tendre avec moi… J’ai reçu plusieurs coups de sa part allant de la simple gifle au coup de poing. Il me balançait parfois des objets. Ma mère cachait avec du maquillage les traces visibles que je pouvais avoir. Mais je comprenais pourquoi il faisait ça… Nous étions si pauvres et les études coûtaient beaucoup d’argent… Je ne les aidais sans doute pas assez, je n’avais pas assez de bonnes notes pour assurer un bon avenir… Je savais que je pouvais travailler mieux pour ensuite avoir un bon métier et les aider. J’ai même appris l’anglais en cours pour avoir un bon avenir.

Et puis, juste après mes 18 ans… Des hommes sont venus chez nous et m’ont enlevé à mes parents. Du moins c’est ce que j'ai cru au départ, mais j'ai bien vu l’enveloppe bien remplie qu’on a déposé dans la main de mon père… Je venais d’être vendue à la bratva. Mon père payait ainsi ses dettes de jeu. J’ai crié, hurlé, frappé… J’ai supplié mes parents de ne pas les laisser faire mais j'ai été assommée. Je me suis retrouvée dans un camion avec d’autres filles… Nous avions peur. Cela faisait un moment que nous roulions, nous étions assoiffées, nous avions faim… Plusieurs ont essayé de s’enfuir lors d’une halte pour faire le plein d’essence, dont moi je l'avoue… Mais ils étaient sur nous avant même d’avoir le temps de sauter hors du camion. Ils nous ont frappés pour nous forcer à rester sages en faisant attention à ne pas toucher notre visage. Nous ne savions pas où nous allions, ce qu’ils allaient faire de nous… J’ai perdu le fil au bout d’un moment. Je me souviens juste m’être réveillée dans une chambre toute petite. On m’a alors expliqué où j'étais et ce que j'allais faire… On m’a achetée à ma famille pour que je devienne une prostituée… Dans un nouveau pays, une nouvelle ville : Las Vegas…

Une femme m’a formée, m’a expliquée ce qu’on attendait de moi. Elle a fait venir des hommes dans cette petite chambre ; chambre que j’ai vite quitté par la suite pour me retrouver dans un dortoir commun. Des hommes qui se montraient au début gentils et patients mais qui ont vite changé de comportement. Je n’y arrivais pas. Je ne pouvais pas faire ce qu’on me demandait… Je me sentais minable, dégueulasse, répugnante… Et je ne voulais pas que de sales types me touchent. Je n’y arrivais pas. Je me suis débattue, j’ai mordu mais à chaque fois j'avais le droit à une correction. Au bout de six mois, j’ai fini par capituler. À force de coups ils ont eu raison de moi. Je suis devenue une coquille vide craintive. Je les laissais faire ce qu’ils voulaient de moi. Je gardais le silence et m’enfermais dans mon esprit. Je n’ai jamais pris mon pied, mais je leur faisais plaisir… Je faisais tout ce qu’ils voulaient… Tout… Je ne gagnais pas d’argent. J’étais nourrie, logée, blanchie donc je n’avais pas à gagner d’argent. Parfois des hommes me prenaient durant quelques jours chez eux et m’offraient de beaux vêtements. Je suis devenue docile et efficace. Ils ont donc accepté de me laisser un peu de liberté. J’ai pu avoir une chambre seule, je n’avais plus à partager avec les autres filles. Je subissais les pires sévices sans rien dire, j’acceptais tous les délires des hommes… Je faisais tout pour le plaire… Ne tentez pas d’imaginer, car vous serez loin de la réalité… À mon arrivée, j’ai dû voir un gynécologue qui m’a placé un implant pour éviter que je ne tombe enceinte. Mais à 26 ans je suis tombée enceinte… Il y a dû y avoir un problème… Pour le coup, ils m’ont fait avorter… Je n’ai pas eu mon mot à dire bien évidemment et puis de toute façon je n’en aurais pas voulu sauf si cela m’avait permis de fuir cet endroit… J’ai de nouveau été enceinte à 27 ans et 30 ans… Et à chaque fois ils m’ont fait avorter. Le médecin voulait même me retirer mon utérus, mais j’ai refusé, j’ai supplié et il a fini par céder. Sans doute parce que j’étais la gentille pute qui acceptait tout… On me faisait un peu un cadeau… Après le dernier avortement j’ai fait une tentative de suicide, laissant une entaille profonde sur mon avant-bras gauche dans sa longueur. On m’a mis au repos une semaine et j’ai dû continuer comme si de rien était…

J’ai désormais 33 ans et je suis toujours prostituée… Et ça fait long 15 ans à faire ce métier… 15 ans à subir les violences des hommes, à assouvir leur moindre fantasme pervers… Un soir, je me suis retrouvée dans un hôtel avec un client dégueulasse, un vieux pervers bedonnant avec un début de calvitie. Je vous épargnerais les détails de cette nuit-là… Toujours est-il que j'ai attendu qu’il dorme afin de sortir fumer une cigarette. Je suis sortie très lentement par peur de le réveiller… Il avait été si violent… Je me suis rhabillée rapidement et j’ai enfilé le sweat que je prends toujours pour cacher mon visage avec ma capuche. Je tentais de cacher ma lèvre fendue, les hématomes et autres blessures à cause du sexe violent… Je me suis installée sur les marches devant l’hôtel et je suis tombée sur Maylan. Il a vu les marques… Il s’est inquiété pour moi. IL m’a demandé s’il pouvait m’aider… J’ai essayé de lui cacher mon métier, je lui ai dit que mon mec était juste trop bourré et qu’il n’avait pas voulu cela… Je lui ai dit qu’il s’est emporté et que c’était la première fois. J’avais juste peur pour Maylan… Peur qu’il ne soit en danger… J’ai réussi à le calmer… On a parlé encore un peu et puis je suis partie. On s’est revu quelques fois, lorsque mes clients m’emmenaient dans cet hôtel.

Six mois plus tard, Maylan m’offrait ma liberté, ma nationalité américaine et un vrai travail… Il m’a été d’un grand soutien pour apprendre à vivre seule et à gérer ma vie. Je lui dois tout. Pour le remercier je me suis donnée à fond dans mon emploi. Je suis les cours du soir pour obtenir mon diplôme. Je tente de lui montrer que je lui en suis très reconnaissante… Chaque jour j'avance pas à pas. Il ne me force pas à côtoyer des hommes, il prend soin de moi. Je tente de faire comme si tout mon passé n’avait jamais existé mais parfois c’est dur et cela me reprend d’un coup… Surtout que parfois je rêve de tout ce que j’ai vécu… Et surtout, parfois, je croise d’anciens clients…

Et il y a ce médecin... Cet homme incroyable... William. J'ai confiance en lui. Pas seulement parce qu'il s'est fait passer à tabac et qu'il n'a rien dit à mon sujet. Pas seulement parce qu'il me fait découvrir des choses que je ne connaissais pas. Non c'est autre chose, un truc que je ne m'explique pas... Je suis bien à ses côtés et je n'ai pas peur quand il me touche... J'ai d'ailleurs besoin parfois de l'avoir contre moi... Surtout depuis ma dernière tentative de suicide... Je regrette tellement d'avoir fait cela... De l'avoir inquiété et de l'avoir forcé à voir ce que j'ai fait...



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